Ce voyage est donc terminé puisque notre point d’arrivée : la côte du Pacifique vers la baie de Vancouver est atteint.
Il nous aura donc fallu juste 80 jours pour effectuer la « coast to coast » de New York aux rives de l’océan Pacifique. Cet « transam » dans un sens ou dans un autre a été faite par des milliers de cyclistes, femmes et hommes de tous âges. Il ne s’agit donc pas d’un exploit mais simplement d’un voyage à vélo de presque trois mois qui nous aura fait traverser ce continent américain d’Est en Ouest. Nous n’avions pas choisi la route la plus courte mais un itinéraire qui nous semblait le plus intéressant par la diversité des régions traversées.
La planification de l’itinéraire s’est finalement très bien faite puisque nous sommes sur une moyenne de 100 km/j et que nous avons gardé une marge de sécurité avec notre départ relativement large.
L’écriture de ce blog est évidemment personnelle. Comme tout récit de voyage, il est une photographie de mes impressions à un moment donné. Il n’a pas le recul que l’on peut avoir lorsque l’on écrit assis à son bureau. Ce que j’écris n’engage que moi et non Dominique et Antoine. Leurs ressentis seront certainement différents et si j’insiste sur l’esprit du voyage à vélo c’est qu’il n’a rien à voir avec le cyclisme sportif (qu’il m’arrive aussi de pratiquer) et qu’il faut par moment savoir savourer « la lenteur/rapide » du déplacement à vélo. Il est curieux d’ailleurs de constater que la majorité des gens et notamment les sportifs du vélo disent « je roule en vélo » comme si leur outil de déplacement les transportait. Alors que le terme qui convient le mieux est de dire « je roule à vélo » (je sais les deux expressions sont possibles) mais convenons qu’il est plus élégant de dire « à vélo » car le vélo est en quelque sorte notre compagnon, alors qu’on se déplace « en voiture » qui n’est qu’une boîte qui nous transporte passivement.
Ce projet de voyage je le mûrissais depuis près de trois ans. Après notre parcours sur la côte Ouest des USA entre Seattle et Los Angeles avec Dominique, j’avais été séduit par ce pays et ces habitants. Pourtant j’en avais des a priori et des idées reçues ! Du coup j’avais envie d’en savoir plus, de le parcourir d’une manière plus intime et plus profonde. Et puis traverser un continent d’un océan à un autre c’est vrai ça a de la gueule. Alors partir de New York et rejoindre le Pacifique était une manière de parcourir ce pays qui reste qu’on le veuille ou non la première puissance économique et politique de notre monde. Des Appalaches aux grandes plaines du Kansas, du Colorado vers le Wyoming et les bords du Pacifique en remontant vers le Nord ce sont des facettes multiples des États Unis que nous aurons pu observer. Au total treize États traversés : New York, New Jersey, Pennsylvanie, Ohio, Indiana, Illinois, Missouri, Kansas, Colorado, Wyoming, Montana, Idaho, Washington.
Il faut maintenant se poser la question de quelle Amérique nous avons parcourue ? Essentiellement une Amérique « blanche », une Amérique rurale, une Amérique touristique. L’Amérique industrielle nous l’avons entraperçue dans la région de Cleveland, « noire » à New York et dans la banlieue lorsque nous sommes sortis de New Jersey City et à Chicago. Par contre nous avons rencontré l’Amérique « mexicaine ». Sinon dans cette Amérique profonde ou dans l’Amérique touristique des grands parcs, nous avons vu l’Amérique traditionnelle. Il serait donc bien présomptueux de dire « j’ai traversé les USA et je les connais » non je ne connais pas les USA ou tout du moins j’en connais quelques facettes et peut être les plus séduisantes. Car partout où nous sommes allés, tous les gens que nous avons rencontrés, tous les gens qui sont aussi venus à notre rencontre, toutes les personnes qui nous auront accueillis, tous ces gens sont tous d’une extrême gentillesse et d’une très grande curiosité à notre égard. La France, ils connaissent ou en tous les cas ils en ont une bonne représentation. Je me souviendrai de cette dame qui un soir alors qu’on lui demandait un renseignement nous a dit « Ah je vous serre la main, c’est la première fois que je vois un français ! » Un peu comme à la Libération, toute proportion gardée, quand les français venaient saluer les GI’s. Et au moment où j’écris ce texte, l’attentat de Nice vient de se produire et ce sont les gens dans la rue qui en sachant qu’on est français nous ont témoigné leur compassion à l’encontre de ce drame qui frappe à nouveau la France.
l’Amérique
Grâce à l’accueil avec le réseau warmshowers nous avons rencontré des gens nous interrogeant sur les conséquences du Brexit, ou sur notre système de retraite ou de santé. En pleine campagne des primaires américaines nous avons eu des échanges intéressants sur les enjeux de ces élections.
Ce qui sans doute me frappe le plus ce sont les paradoxes américains. On pourrait dire : voitures puissantes et vitesse relativement réduite, grosses motos et là encore vitesse réduite, sauf en zones urbaines très denses, très peu de vélos mais grands respects pour les cyclistes en ville où on nous laisse le plus souvent la priorité. Des gens sensibles aux problèmes environnementaux et laissant l’éclairage en permanence chez eux ! Bref on pourrait faire un catalogue de tous ces paradoxes à l’exemple des motards en Harley qui roulent quasiment toujours sans casque (sauf Missouri et Washington) alors que les cyclistes l’utilisent majoritairement sans qu’il y ait un caractère obligatoire.
Moi ce que j’ai le plus aimé ce ne sont pas les beaux paysages des Rocheuses mais ce sont les plaines du Kansas. Justement ce n’est pas grimper les cols qui m’intéressent dans le voyage à vélo mais c’est parcourir cette infinité de l’horizon.
Bien sûr ce n’est pas excitant mais c’est finalement cela qui est intéressant ! Brel en chantant son « Plat Pays » a bien compris que ces horizons sans fin sont aussi palpitants que les hautes montagnes qu’il vaut mieux découvrir à pied qu’à vélo !
Car ma grande déception ce sont ces grands parcs nationaux, quelque peu aseptisés, qui laissent peu de place aux vélos car la voiture là est prioritaire, et par moment on nous l’a bien fait savoir ! Ces parcs ce n’est pas à vélo qu’il faut les parcourir mais à pied et pour nous ce n’était pas vraiment possible.
Et puis le vélo reste un formidable outil ou vecteur de communication ou de rencontres. Je n’oublierai pas ce retraité mexicain qui alors qu’on vient de se faire virer d’un camping nous propose son jardin,
ou cet homme qui rentrant dans un restaurant où l’on dîne vient parler avec nous et quand au moment de l’addition on demande à payer, le serveur nous dit : « Mais ça y est c’est réglé, c’est ce monsieur là bas qui vous offre le repas » ! ou encore Karim qui dans un bled paumé du Wyoming rentre dans le saloon, car il a vu nos vélos à l’extérieur et nous invite chez lui à planter notre tente dans son jardin …ça jamais je dois le dire je ne l’avais vécu et je ne suis pas sûr qu’en France ou en Europe on ait cet esprit d’accueil où on vous laisse quasiment les clefs de la maison en appliquant au pied de la lettre l’expression : « faites comme chez vous ».
Voyager à vélo aux USA est sans doute plus facile qu’en France et c’est finalement cet énorme paradoxe (encore un autre) que je constate. Les villes qui sont aménagées d’abord et avant tout pour les engins motorisés permettent aux cyclistes de s’y déplacer sans difficulté et sans vraiment d’aménagements particuliers. Ce modèle américain n’est évidemment pas exportable en Europe où nos villages et nos villes sont façonnés par des siècles d’histoire. Les villes américaines sont sans âme, pas vraiment belles. Ce grand pays n’a pas les beautés de nos villages, de nos églises, de nos cathédrales, de nos châteaux ou de nos coteaux du bordelais, de la Bourgogne ou encore du Val de Loire ! Le patrimoine des États Unis ce sont ces grands espaces naturels, ces horizons infinis.
Douze semaines se seront donc écoulées entre notre départ de New York et notre arrivée sur la baie de Vancouver.
Je voudrais remercier mon frère Dominique qui a su parfaitement jouer le rôle de « navigateur ». Il a un sens de l’orientation remarquable qui nous a bien aidé à nous diriger facilement, et puis surtout sa maîtrise de l’anglais nous aura permis d’entretenir des échanges chaleureux et enrichissants avec tous les amis qui nous ont accueillis.
Je voudrais remercier mon frère Dominique qui a su parfaitement jouer le rôle de « navigateur ». Il a un sens de l’orientation remarquable qui nous a bien aidé à nous diriger facilement, et puis surtout sa maîtrise de l’anglais nous aura permis d’entretenir des échanges chaleureux et enrichissants avec tous les amis qui nous ont accueillis.
Je voudrais remercier également toutes celles et ceux qui nous ont transmis des messages de sympathie, d’encouragement. Je n’ai pas toujours répondu car le soir après quelquefois des journées difficiles, il n’était pas toujours facile d’écrire. Des ami-e-s m’ont écrit en disant merci de les avoir fait rêver. Alors tant mieux et je termine souvent des récits en citant une phrase de Blaise Cendrars qui avait traversé la Russie en transsibérien. Certains mettaient en doute la véracité de son récit et il avait répondu « qu’importe si j’ai réalisé ou non ce trajet, l’important c’est de vous avoir fait voyager par l’écriture en vous faisant rêver » alors si je vous ai transmis une petite part de rêve j’en suis vraiment très heureux…vive le voyage à vélo et vive le vélo tout court !
See you again,
Jean Paul